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Vers un Etat policier en Belgique ?

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Message  Admin Dim 7 Sep - 20:42

DU DÉLIT D’APPARTENANCE À L’AFFAIBLISSEMENT DU POUVOIR JUDICIAIRE
Vers un Etat policier en Belgique ?
EN procédant à l’expulsion vers la Slovaquie, début octobre, de dizaines de Tziganes déboutés du droit d’asile, le gouvernement belge de coalition n’a pas redressé l’image d’une police discréditée par l’affaire Dutroux et par la mort de la demandeuse d’asile Semira Adamu. Plutôt que d’édifier un système de contre-pouvoirs et de garde-fous, l’Etat procède à un renforcement massif de ses structures policières, dans le dessein clairement affiché de renforcer le contrôle social et de restreindre les libertés politiques ou syndicales.
Par Jean-Claude Paye

Il y a deux ans, le gouvernement belge, alors dirigé par M. Jean-Luc Dehaene, a entrepris, au pas de charge, de réformer la police et la justice. Il a adopté un système cohérent de lois et justifié ces réformes - et surtout la rapidité de leur adoption - par la nécessité de répondre aux attentes que les citoyens avaient exprimées lors de la « marche blanche » de 1996, cette manifestation de 300 000 personnes en réaction aux manquements de la police et de la justice dans l’affaire Dutroux (1). Mais, profitant de l’absence de cohésion politique et de revendications concrètes du « mouvement blanc », le gouvernement est parvenu à imposer une approche en termes de « dysfonctionnement » du système. Les rétentions d’informations et les enquêtes parallèles de la gendarmerie furent interprétées comme une simple expression de la guerre des polices.

En juin 1997, un premier projet de loi est voté à la Chambre à la quasi-unanimité, à l’exception de l’opposition écologiste et de la Volksunie. Sous couvert de lutter contre les mafias, ce texte permet de criminaliser toute forme d’action politique ou de contestation du pouvoir économique. L’exposé des motifs est transparent en ce qui concerne la finalité politique des intentions gouvernementales. « On couvre non seulement les organisations criminelles qui poursuivent ce but - "obtenir des avantages patrimoniaux ou influencer le fonctionnement d’autorités publiques ou d’entreprises privées en utilisant l’intimidation, la menace, la violence, des manoeuvres (2)" - pour asseoir leur activité lucrative, mais également les groupes extrémistes et les organisations à caractère terroriste qui poursuivent ce but avec une finalité politique (3). »

Ce projet de loi, ouvertement liberticide, a été rejeté par le Sénat. Modifié, il a pris la forme d’une loi en décembre 1998. Celle-ci conserve cependant le coeur du projet 342, le délit d’appartenance. On construit une notion de responsabilité collective en lieu et place de la responsabilité individuelle, bien que l’on poursuive des individus et non des organisations. Le simple fait d’appartenir à une organisation considérée comme criminelle, sans commettre de délit ni même en avoir eu l’intention, suffit pour être poursuivi.

La loi présente des corrections intéressantes, mais limitées. Elle précise qu’ « une organisation dont l’objet réel est exclusivement d’ordre politique, syndical, philanthropique ou religieux, ou qui poursuit exclusivement tout autre but légitime, ne peut, en tant que telle, être considérée comme une organisation criminelle au sens de l’alinéa 1er (4) ». Le terme « exclusivement » laisse une marge de manoeuvre appréciable aux autorités policières et judiciaires puisque, par exemple, un piquet de grève ou une action de boycottage ont une finalité syndicale mais aussi économique. Ne pourrait être inquiétée que la personne qui, volontairement et sciemment, fait partie d’une organisation criminelle. Cependant, la loi, malgré les recommandations du Conseil d’Etat, ne définit pas la notion de participation : s’agit-il de la participation à une réunion, du paiement d’une cotisation ? Tout cela est laissé à l’appréciation des forces de police et des autorités judiciaires, qui décideront selon le rapport de forces du moment.

Les aspects les plus ouvertement liberticides du projet de loi - la finalité directement politique de la définition de l’organisation criminelle, qui avait été rejetée par le Sénat - ont été réintroduits par le gouvernement à la faveur de la Loi organique sur les services de renseignement et de sécurité, votée en novembre 1998, et ce à travers les définitions que celle-ci donne du terrorisme ( « le recours à la violence [...] , pour des motifs idéologiques ou politiques, dans le but d’atteindre ses objectifs par la terreur, l’intimidation ou les menaces ») et de l’extrémisme ( « les conceptions ou les visées racistes, xénophobes, anarchistes, nationalistes, autoritaires ou totalitaires, qu’elles soient à caractère politique, idéologique, confessionnel ou philosophique, contraires [...] au bon fonctionnement des institutions démocratiques ») (5). L’acharnement à réintroduire ces motivations politiques dans la définition de l’organisation criminelle ne laisse aucun doute sur la nature de l’ennemi visé par ces articles de loi.

Voté en mars 1998, le « petit Franchimont (6) » précède la loi sur l’intégration des forces de police. Il lui est pourtant essentiel puisque cette loi met en place l’enquête proactive qui consiste « en la recherche, la collecte, l’enregistrement et le traitement de données et d’informations sur base d’une suspicion raisonnable que des faits vont être commis ou ont été commis mais ne sont pas encore connus, et qui sont ou seraient commis dans le cadre d’une organisation criminelle, telle que définie par la loi, ou constituent ou constitueraient un crime ou un délit (7) ».

La proactivité renforce donc considérablement les pouvoirs de la police, qui aura tout le loisir de procéder légalement à des enquêtes, à la collecte d’informations et au fichage en l’absence de toute garantie judiciaire et sans qu’il y ait d’infraction.
Une banque de données unique

DE surcroît, l’enquête proactive des forces de police s’accompagne d’une restructuration de la justice et des rapports entre le ministère public et le juge d’instruction. Alors que le « petit Franchimont » reconnaît formellement au juge d’instruction la conduite de l’enquête, elle accorde non seulement aux forces de police le droit d’enquêter pour leur propre compte, mais aussi au procureur du roi de procéder à une information appelée mini-instruction.

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Message  Admin Dim 7 Sep - 20:43

Le procureur peut ainsi requérir du juge d’instruction la mise en oeuvre d’actes pour lesquels seul ce dernier est compétent, tel le repérage de communications téléphoniques ou l’ouverture d’un courrier scellé, et cela sans que l’instruction soit ouverte, c’est-à-dire sans que ce juge puisse exercer ses compétences d’enquêteur à charge et à décharge. Or c’est cette ouverture, repoussée dans le temps par la nouvelle procédure, qui permet l’exercice des droits de la défense. Cette limitation de la fonction de juge d’instruction risque de réduire progressivement celle-ci à celle d’un juge de l’instruction qui a perdu sa mission d’enquêteur et dont le rôle se limite au contrôle de la légalité des procédures et à la production de certains actes, tel le mandat d’arrêt. Cette fonction de juge de l’instruction existe déjà dans certains pays européens, notamment en Allemagne et en Italie où l’on constate un renforcement du pouvoir des forces de police au détriment des magistrats (Cool.

L’augmentation des prérogatives du ministère public face au juge d’instruction s’accompagne d’une réorganisation de la charge de procureur. La loi sur « l’intégration verticale du ministère public, le parquet fédéral et le conseil des procureurs du roi », votée en décembre 1998, crée - comme l’avait demandé la direction de la gendarmerie (9) - une nouvelle fonction, celle de procureur fédéral. Il a une mission de rationalisation de l’action des procureurs et exerce une surveillance sur le fonctionnement de la police fédérale. Il est compétent pour des affaires qui couvrent l’ensemble du territoire ou plusieurs arrondissements judiciaires. Il pourra donc choisir les affaires qu’il estime relever de son parquet et supplanter ainsi un procureur dérangeant.

L’enquête proactive prend son efficacité maximale à travers le projet d’une police unique. La loi du 22 novembre 1998, votée à la quasi-unanimité, met en place une police intégrée qui doit se substituer aux trois corps existants (gendarmerie, police judiciaire et police communale) (10). Les services seront organisés et structurés à deux niveaux, fédéral et local, dépendant d’autorités différentes : le niveau local est placé sous l’autorité du bourgmestre (maire), le niveau fédéral est dirigé par un commissaire et placé sous la tutelle du ministre de l’intérieur en ce qui concerne les missions de police administrative et sous celle du ministre de la justice en ce qui concerne les missions de police judiciaire. Cependant, cette police intégrée deviendra une police unique, une institution à caractère totalitaire, et ce pour les raisons suivantes.

Ce futur corps intègre les fonctions de police judiciaire et de police administrative (de maintien de l’ordre). Cela est en complète contradiction avec les attentes des magistrats, qui souhaitaient la création d’une police criminelle fédérale autonome, placée sous l’autorité des juges d’instruction, du parquet ainsi que du ministre de la justice. Cette intégration des fonctions de police judiciaire et de police du maintien de l’ordre revient en fait à placer la première sous la tutelle de la seconde.

Ce corps dispose des informations nécessaires aux deux types de mission dans une banque de données unique centralisée par un service d’appui de la police fédérale. Le projet de créer une banque de gestion externe à la police intégrée à laquelle s’adresseraient policiers et magistrats a été abandonné. Quant à la demande des magistrats, surtout des juges d’instruction, qui réclamaient une banque d’informations spécifiquement judiciaires placée au sein du ministère de la justice et sous leur contrôle exclusif, elle n’a jamais été prise en considération par le gouvernement. Les informations de police judiciaire seront placées sous la surveillance d’un magistrat fédéral, selon des modalités fixées par arrêté ministériel. Le précédent gouvernement avait rédigé un texte, auquel il a dû renoncer, qui confinait le contrôle judiciaire dans une sous-direction de la division judiciaire de la police fédérale.

Ce futur corps de police se contrôlera lui-même grâce à un organe d’inspection interne à cette police. L’Inspection générale est placée sous l’autorité du ministre de l’intérieur, ce qui traduit non seulement l’éviction du pouvoir législatif, mais aussi la faiblesse de la tutelle exercée par l’exécutif. Le contrôle aurait pu être plus effectif à travers un organe d’inspection externe. Actuellement, n’est-ce pas le système interne qui garantit à la gendarmerie son autonomie et son impunité ? Ni les rétentions d’informations à l’égard du pouvoir judiciaire et les enquêtes illégales dans le cadre de l’affaire Dutroux, ni l’homicide de la candidate réfugiée Semira Adamou n’ont jamais été sanctionnés. L’inspection interne ne se substitue pas au contrôle parlementaire externe exercé par le comité P (police), mais rend celui-ci formel. Disposant de peu de moyens et fortement politisé, ce comité est connu pour sa paralysie.

L’ensemble des pouvoirs de police est concentré dans les mains du commissaire général, qui pourra influencer tous les niveaux de décision. Celui-ci est placé sous la tutelle du ministre de l’intérieur pour les activités de police administrative et sous celle du ministre de la justice pour les missions de police judiciaire. Cette double tutelle est d’autant plus aléatoire que le contrôle de l’exécutif sur cette police intégrée passe par un organe d’inspection interne à cette dernière.

Le niveau local et le niveau fédéral n’ont pas le même pouvoir. Les ministres de la justice et de l’intérieur disposent de pouvoirs de réquisition et de directives contraignantes vis-à-vis du niveau local. Il existe également des structures de liaison au niveau des arrondissements judiciaires. Les modalités de fonctionnement de celles-ci seront fixées par l’exécutif. Qui aura donc tout le loisir de subordonner le niveau local au niveau fédéral. Ainsi, le 29 avril 1999, les commissaires en chef de cinq polices urbaines se sont opposés à un projet d’arrêté royal qui attribuait à la direction de la police administrative fédérale « la préparation de la politique policière et des interventions en matière de police de base ». Rappelons que la police locale dépend de la banque de données intégrée à la police fédérale.

La loi ne règle rien concrètement. L’organisation même de la police sera fixée par arrêtés royaux qui détermineront les procédures de recours, les rapports entre le niveau local et le niveau fédéral, ainsi que les modalités du contrôle des magistrats sur les informations judiciaires. Des matières aussi importantes que la définition des compétences du commissaire général, des directeurs généraux, des directeurs coordinateurs administratifs et des directeurs judiciaires ne sont pas fixées par la loi, de même les modalités des tutelles ministérielles. Le pouvoir exécutif aura donc toutes les possibilités de centraliser l’exercice du travail policier.

L’élaboration de ces lois se caractérise par l’éviction du pouvoir législatif. Les discussions conduisant aux accords entre majorité et opposition ont été menées par les chefs des partis en neutralisant ainsi le Parlement. Ces différentes lois ont été votées en l’absence de tout débat. Les Chambres se sont contentées d’enregistrer des décisions prises ailleurs. Or il s’agit là d’une modification de l’équilibre des pouvoirs. A travers la loi sur l’intégration des forces de police, le Parlement a cédé à l’exécutif des prérogatives qui lui sont données par la Constitution : l’organisation des forces de police.
Démantèlement des brigades financières

AU renforcement de l’exécutif face au législatif il faut ajouter un autre élément : celui de la primauté de la fonction exécutive sur le pouvoir exécutif (11). C’est dans ce sens qu’il faut comprendre l’autonomie de la future police unique face à ses autorités de tutelle. L’inspection interne lui garantit son indépendance, de même que le contrôle de la gestion des informations, à travers sa banque de données, lui assure son pouvoir. La gendarmerie bénéficiait déjà d’une telle situation.

Cette future police unique n’est pas un « Etat dans l’Etat » : elle devient l’appareil central de l’Etat, un instrument d’exercice du pouvoir en concordance avec la politique gouvernementale. Par la fusion des fonctions de police judiciaire et de police administrative, elle exerce une surveillance sur la vie individuelle des citoyens et un contrôle préventif de leurs actions sociales. Cette menace concerne les membres des classes dominées, mais aussi ceux des couches dominantes. La manière dont est organisée - ou non - la lutte contre la criminalité financière est ici décisive, de même que la gestion de l’information à ce niveau.

La police intégrée jouera un rôle central dans la régulation entre activités économiques licites et illicites. La politique du gouvernement précédent avait été de permettre le sabotage de la gendarmerie de l’Office central de lutte contre la délinquance économique et financière (Ocedefo). Ce gouvernement a également neutralisé le Comité supérieur de contrôle, cette police financière s’occupant des marchés publics (12). La poursuite du travail de la troisième section des recherches criminelles de la gendarmerie de Bruxelles (3e SRC), spécialisée dans la lutte contre la grande criminalité financière, a été aussi remise en question. Cette continuité politique dans la déstructuration des corps de police chargés de la criminalité en col blanc laisse présager le pire en ce qui concerne l’activité en ce domaine de la future police unique.

Les parlementaires ont voté cette loi à la quasi-unanimité, y compris les écologistes. Ceux-ci se sont donc intégrés dans une tradition des Assemblées qui fait que, depuis la loi sur la gendarmerie de 1957, les réformes législatives qui augmentent les pouvoirs de la police sont votées par la majorité et l’opposition. Sans doute s’agit-il d’une condition impérative pour faire partie d’une future coalition gouvernementale...
Jean-Claude Paye.

État, Justice, Police, Belgique

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Jean-Claude Paye
Sociologue, Bruxelles.
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(1) Lire Jean-Marie Chauvier, « L’année blanche vire au gris », Le Monde diplomatique, octobre 1997.

(2) Chambre des députés, Documents parlementaires, 954/1 96/97, p. 17.

(3) Chambre des députés, Documents parlementaires, 954/1 96/97, exposé des motifs, p. 4.

(4) Article 342 bis, Moniteur belge, Bruxelles, 26 février 1999, p. 5 812.

(5) Article 8, Moniteur belge, 18 décembre 1998, Bruxelles, p. 40 313.

(6) Du nom du président de la commission pour le droit de la procédure pénale.

(7) Article 28 bis, paragraphe 2, Moniteur belge, 2 avril 1998, p. 10 027.

(Cool Damien Vandermeersch et Olivier Klees, « La réforme Franchimont », Journal des tribunaux, Bruxelles, no 5 886, mai 1998, p. 442.

(9) Lire « Franchement », un entretien avec le lieutenant-général Willy Deridder, Politeia (revue de la gendarmerie), Bruxelles, avril 1996, p. 13.

(10) Sur la réforme des polices, lire Thomas Henrion, « Un service de police intégré, structuré à deux niveaux », Juger, Bruxelles, nos 16 et 17, 1998.

(11) Lire « L’Etat policier, forme moderne de l’Etat ? L’exemple de la Belgique », Les Temps modernes, Paris, no 605, août-septembre-octobre 1999.

(12) Lire « La réforme des polices », Avancées, Bruxelles, no 80, septembre 1999.
Édition imprimée — novembre 1999 — Page 10

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(9) Lire « Franchement », un entretien avec le lieutenant-général Willy Deridder, Politeia (revue de la gendarmerie), Bruxelles, avril 1996, p. 13.

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